Journal l'Humanité

Rubrique International
Article paru dans l'édition du 28 juillet 2006.

 

événement
« Il s’agit d’une guerre menée contre l’ensemble du peuple libanais »

Présent hier à Beyrouth (1), le député communiste Jean-Claude Lefort rapporte l’espoir des Libanais d’une solution politique juste.

Quelle situation votre - délégation a-t-elle trouvée à Beyrouth ?

Jean-Claude Lefort. En deux jours à Beyrouth, nous avons constaté une catastrophe totale : humanitaire, sociale, économique. Ce qu’on peut voir, c’est l’ensemble du pays dévasté, les infrastructures réduites en poussière ; on a le sentiment que le Liban est revenu cinquante ans en arrière. Les bombardements sont permanents. Hier, nous sommes allés à l’hôpital de Beyrouth, qui reçoit, très difficilement vu l’état du pays, des blessés, beaucoup de gamins, des bébés de quelques mois sérieusement touchés, des gens amputés suite aux bombardements... Bref, un spectacle effrayant.

Vous avez rencontré de nombreux élus libanais.

Quel a été le résultat de ces - discussions ?

Jean-Claude Lefort. Nous avons eu des entretiens avec toutes les forces politiques, je dis bien toutes. Au terme de ces divers entretiens, il est clair qu’il existe une unité de vues au sein de tous les partis pour un cessez-le-feu immédiat et sans conditions. La seconde demande est de trouver une issue politique à cette crise, incluant les divers sujets, la libération des prisonniers, Gaza, les fermes de Cheeba. Concernant la résolution 1559, les partis nous ont dit leur souci d’arriver à une situation où cette résolution ne serait pas réglée de façon unilatérale et barbare par Israël, mais par une solution politique intralibanaise qui pourrait permettre l’inclusion sous une forme ou une autre des forces armées du Hezbollah au sein des forces armées libanaises.

Ce dernier point, l’intégration des forces du Hezbollah dans l’armée, fait-il bien l’objet d’un consensus ?

Jean-Claude Lefort. Toutes les forces politiques indiquent que c’est le processus qu’ils avaient commencé à négocier avec le Hezbollah avant la crise. Ça n’allait pas sans difficultés, mais les choses progressaient, au point que l’ONU avait encouragé le gouvernement libanais à poursuivre dans cette voie. J’ai posé directement la question aux députés du Hezbollah que j’ai rencontrés et ils ont, eux aussi, laissé la porte ouverte à cette solution, étant entendu qu’il faut trouver les moyens d’une telle incorporation.

Comment les résultats de la conférence de Rome ont-ils été accueillis ?

Jean-Claude Lefort. De notre point de vue, la conférence de Rome aurait dû avoir comme objectif d’obtenir un cessez-le-feu et, à partir du moment où celui-ci aurait été actif, d’ouvrir sur une perspective de règlement politique de la situation. Elle n’a débouché sur aucune de ces deux questions vitales. Pis, elle revient en vérité à donner du temps supplémentaire à l’agression. La question que posent nos interlocuteurs libanais est de savoir quel sera l’objet de la force multinationale qui a été décidée. S’agira-t-il d’une force mise en place pour garantir l’application d’un accord politique - dans ce cas, il n’y a aucune objection à formuler. S’il s’agissait à l’inverse d’une force multinationale qui, en quelque sorte, reprendrait « le sale boulot » opéré par Israël en direction de la population libanaise, cela aboutirait à un chaos, peut-être à la guerre civile au Liban.

Justement, comment jugez-vous l’état des relations intercommunautaires au - Liban ?

Jean-Claude Lefort. Je crois qu’après des doutes légitimes sur l’action du Hezbollah, la population sent que ce n’est pas seulement une guerre contre un mouvement, mais une guerre contre tout le peuple libanais. Un élément marquant de cette crise est que les relations entre les communautés se sont sensiblement renforcées. C’est la meilleure démonstration qu’il est possible d’affirmer dans ce pays une forme d’unité nationale, afin de maintenir sa souveraineté et son intégrité. Tout le monde ici a compris que la crise au Liban n’était qu’une partie d’un plan plus vaste de ce que Mme Rice a appelé « le nouveau Moyen-Orient » - elle a indiqué, pour bien se faire comprendre, que ceux qui sont contre ce plan doivent savoir que les États-Unis l’emporteront... Nous nous trouvons face à une volonté plus globale et plus sordide des États-Unis et de leurs alliés locaux, en particulier Israël, de remodeler la région et de faire en sorte que celle-ci soit sous leur emprise totale.

(1) Au sein d’une délégation comprenant sept parlementaires issus

de formations membres

du Parti de la gauche européenne, venus de Grèce, Chypre, Allemagne, France, Italie, Portugal.

Entretien réalisé par Paul Falzon

 
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